Ce troisième tome aborde un nouveau thème dans la domination, la douleur. Mais, comme pour les tomes précédents, j'ai parfois eu l'impression que l'auteure ne glissait ces éléments de BDSM que pour respecter
le titre de la série. Avery aime la douleur, Gray aime l'infliger, il
le fouette quand ils couchent ensemble, ça, c'est fait. L'auteure ne s'est pas trop embêtée avec toute cette histoire de domination, se contentant du strict minimum, allant même jusqu'à complètement occulter
le fait que, peut-être,
le lendemain, Avery pourrait avoir quelques courbatures ou douleurs résiduelles. Et comme pour les autres tomes, il y a cette scène soirée de poker, où tout
le monde se fout joyeusement à poil pour copuler, puis la vie reprend comme avant.
En fait, l'intérêt du livre ne se situe absolument pas là. Les lecteurs qui veulent du BDSM seront frustrés, les lecteurs qui n'aiment pas peuvent se contenter de sauter quelques pages pendant les scènes de sexe et complètement oublier qu'il y a cet aspect dans leur relation.
Parce que l'auteure se concentre sur Avery et son rapport aux réseaux sociaux. Sur Gray et ses parents qui débattent à chaque repas. Sur ces deux visions du monde qui s'opposent complètement. Parce qu'Avery fait partie de ces gens qui chassent en meute sur les réseaux sociaux, traquant la moindre phrase sortie de son contexte pour lyncher virtuellement une personne, s'indignant pour une parole malheureuse, s'insurgeant contre l'injustice, la haine et l'intolérance. Et ne voyant pas un seul instant qu'il se montre, ce faisant, lui-même injuste, haineux et intolérant.
L'auteure nous offre de très beaux débats sur les élections de 2016, dressant
le portrait d'une Amérique qui se déchire pour de la politique, qui s'oppose entre Hilary Clinton et Donald Trump, et elle finit par accorder la part belle aux centristes, qui ne sont finalement ni pour l'un, ni pour l'autre, mais qui ont quand même un avis tranché et qui mérite d'être entendu.
L'auteure dénonce la vision manichéenne
des réseaux, les manipulations d'informations, l'hypocrisie et la violence qui les gangrène. Elle dénonce les médias qui, avec leurs effets loupe, manipulent l'opinion publique, enveniment
des situations, provoquent
des drames, montent les gens les uns contre les autres.
- Citation :
- La police n'avait pas dévoilé le nom, mais ça n'empêchait aucunement les médias de spéculer. Certains prétendaient qu'il était musulman. Certains que c'était un suprémaciste blanc. D'autres affirmaient au contraire qu'il faisait partie des Antifa. Des histoires étaient publiées, tweetées et retweetées, pour être réfutées et expurgées trente minutes plus tard. Le média publierait un démenti, mais cela n'avait pas d'importance. La première histoire aurait déjà été acceptée comme parole d'évangile par une partie de la population. Les tentatives visant à souligner que celle-ci avait été discréditée poussaient les masses à se rassembler en criant à la fake news à quiconque n'était pas d'accord.
Elle enfonce
des portes ouvertes, parfois, en rappelant que la vie est faite de nuances et que ce qui semble impardonnable pour une personne est soudain pardonné pour une autre personne.
- Citation :
- Un groupe semblait d'extrême droite. Ils détestaient la statue parce que Molly Brown était une femme qui avait bafoué les attentes de la société. Le deuxième groupe était à l'extrême gauche. Ils détestaient la statue parce que Molly Brown n'avait pas suffisamment de points sur l'échelle de la marginalisation pour être considérée comme digne. Le troisième groupe était plutôt modéré. Ils ne protestaient pas tant contre la statue que contre les autres manifestations.
Le changement d'Avery est sans doute trop rapide, trop facile. La nouvelle vie qu'il s'autorise plus tard semble trop belle, trop facile, trop naïve. Les évènements qui s'enchaînent ensuite pourraient sembler trop caricaturaux, trop forcés, s'il n'y avait pas déjà eu
des précédents dans la vie réelle.
De manière assez surprenante, Marie Sexton nous propose là un roman qui dénonce les travers d'une partie notre société qui prône
le respect
des autres, la tolérance, l'égalité mais qui utilise la haine, la violence, la discrimination et l'intolérance pour porter ses revendications. D'une société qui n'accorde plus de présomption d'innocence jusqu'à la tenue d'un procès, mais qui cède à la vindicte populaire, ce tribunal du net qui juge et condamne d'un tweet en se basant sur
des informations orientées et parcellaires.
J'ai beaucoup aimé lire ce qu'elle avait à dire sur
le sujet, même si, pour
le coup, ça semble complètement hors sujet. Parce que la romance n'est absolument pas palpitante : elle est sans surprise, sans frayeur et sans rebondissement. L'aspect BDSM est une formalité pour coller au titre de la série, au strict minimum. Mais c'est un roman que j'ai dévoré car j'ai beaucoup aimé avoir cette plongée dans la société américaine.