Le tatouage est un bon recueil de nouvelles qui a l'avantage de varier les plaisirs. On y trouve de tout. De la romance classique ou légère, des histoires plus réfléchies et structurées. On passe de l'Histoire à la Science-Fiction en quelques pages, et ça c'est génial. C'est toujours marrant de voir qu'un même thème inspire autant de choses différentes chez des auteurs.
La première nouvelle - D'ancre à encre - est plutôt pas mal. Et je dois dire qu'elle a failli obtenir ma préférence. Pourtant, rien d'original dans le récit, si ce n'est l'écriture. Le thème des meilleurs amis a déjà été vu et revu des milliers de fois dans ce registre. Mais ce qui en fait un texte de qualité, un texte qui sort du lot, c'est le style de Reru que je ne connaissais pas et qui allie rythme et simplicité, ce qui rend les personnages proches de nous. En plus, ça se passe en France. Juste pour ça, j'aime cet auteur qui n'hésite pas à mettre nos belles contrées en avant. (c'est tellement rare) Un petit moment très agréable avec un respect du thème central que j'ai trouvé particulièrement bien amené sur la fin.
The hypocrite’s horror show d'AurElisa Mathilde était celle que j'attendais le plus. C'est le résumé qui m'a fait acheter ce recueil. Pas l'auteur, soyons honnête, puisque je n'ai jamais été plus loin que le premier tome de Borderline. Franchement, j'ai été légèrement déçue. Le texte est original, il a le mérite d'aborder plusieurs sujets très forts qu'AurElisa a choisi de traiter sur fond d'Amérique des années cinquante et de mysticisme. Mais je l'ai trouvé un poil trop longue par rapport à ce que j'attendais, même si le récit en lui-même est intéressant. Et quoique plus long que le précédent, j'ai trouvé ses personnages bien moins définis, avec une psychologie un peu bateau qui nous empêche de nous y attacher. Par contre, l'histoire est bluffante. Je ne m'y attendais pas du tout, j'étais partie sur tout autre chose, j'ai donc été agréablement surprise. L'idée du tatouage (censée être au centre de chaque nouvelle) s'efface peut-être un peu trop facilement au profit des autres thèmes évoqués. Mais c'est une nouvelle à découvrir, en tout cas, ne serait-ce que pour son sujet.
L'une de mes préférées va à Juste un point sur un motif. D'abord pour le contexte et l'originalité de l'histoire. Cette idée d'âme-sœur (jamais nommée ainsi d'ailleurs) est incroyablement bien exploitée. J'ai a-do-ré les échanges d'Alexandre sur les forums, l'hyperréalisme de certaines situations, de certaines discussions. L'aspect sombre et déprimant qui existe derrière cette notion d'AS, qui peut être vécue comme une véritable malédiction. Loin du côté glamour et passionné qu'on retrouve souvent dans les romans. J'ai trouvé Tristan magnifique, un personnage un peu énigmatique au départ qui s'avère étonnamment profond et sensible. Même les personnages secondaires ont une densité, ils apportent quelque chose. En fait, je me dis qu'il y aurait certainement eu moyen de bâtir un roman sur cette histoire. Elle en avait le potentiel. Et alors que j'ai trouvé des longueurs dans la précédente, ici je ne voulais pas que ça s'arrête. J'ai été frustrée de la fin. Célia Deiana a vraiment une belle imagination.
Le Road tripping de FV Estyer m'a par contre laissée de marbre. Rien à lui reprocher niveau écriture. Par contre, au niveau de récit, c'est tout ce que je déteste : personnages clichés, rebondissements convenus, scènes hot sans grande originalité. Les trames se succèdent et se ressemblent (je viens de lire sa nouvelle issue du recueil d'Auriol, c'est peut-être pour ça) Même le rapport au tatouage m'a paru confus, posé là pour dire que, et je suis passée complètement à côté. Mais j'ai déjà eu cette sensation avec d'autres auteurs. Je pense juste que certains ne sont pas faits pour moi. Et pourquoi placer l'intrigue aux Etats-Unis ? Pour le road trip ? Je sais pas... Ce fantasme américain me fait toujours marrer. Autant AurElisa le justifiait par le choix de son thème, autant ici, j'ai trouvé ça inutile.
La vraie grande et belle surprise du recueil est la nouvelle SF : No Futur de Soliyana. Elle ramène avec elle un parfum de violence et de désespoir. Une véritable plongée dans les méandres d'un monde dévasté peuplé de personnages originaux et dégénérés. C'est un ovni totalement inattendu. Dans le bon sens du terme, hein. Je l'ai adorée. Il n'y a ni début ni fin, on prend les choses comme elles se présentent, en cours de route, et on adopte petit à petit Sky l'humanoïde et son compagnon d'infortune dans leur périple post-apocalyptique. No Futur est une descente aux enfers contée d'un ton froid, sans concessions. L'univers est fascinant. C'est noir, douloureux et abject, pourtant l'amour est bien présent. C'est peut-être ce que les lecteurs ont, pour la plupart, détesté. Peu ou pas de romance, mais une relation charnelle et passionnée qui défie les lois de la nature et des hommes. Une pépite au cœur d'un recueil qui serait resté, sans cela, bien trop sage.