Bonjour les Mimixtes
Déjà je vous prie d’excuser mon peu de participation sur ce forum. Ce n’est pas par manque d’envie, mais je manque malheureusement cruellement de temps pour m’y attarder autant que je le désirerais. Ce qui ne m’interdit pas d’y passer ponctuellement, et même si c’est un peu en coup de vent, j’en retire toujours la satisfaction d’y découvrir de nouvelles lectures. Alors merci à Mix de poursuivre son aventure, et à tous ceux, bien plus assidus que moi, qui y laissent leurs avis.
La sortie de mon dernier roman m’amène à être moins discrète, car j’ai vu que certains s’y intéressaient déjà, ce dont je les remercie.
Et pour ceux qui ne connaissent pas encore mes écrits, qui s’interroge sur mon style ou l’histoire, je glisse ici les extraits qui ont ponctué mes échanges avec quelques-uns de mes lecteurs sur Facebook, durant la longue écriture de ce roman. À toute fin utile (coquille ou autre), je précise qu’il s’agit de versions avant corrections définitives.
En espérant que cette découverte vous plaira.
Premier extrait :« Ma curiosité fut cependant rapidement ravie par l’enfant qu’il tenait par la main. Le chuchotement d’un de mes camarades m’apprit qu’il s’agissait de son fils unique, Bao. Il semblait un peu plus âgé que moi. Habillé avec la même recherche que son père, il portait sur nous une attention que je trouvais bienveillante. Sa chevelure, tressée en une longue natte dans le dos, dégageait le pur ovale d’une figure aux lèvres fines et au nez droit.
Je devais normalement conserver la tête baissée, mais je ne me lassais pas de l’observer à travers l’épaisseur de mes cils. Sans doute interpellés par mon insistance, ses larges yeux en amandes finirent par se poser sur moi. Leur magnétisme m’obligea à totalement découvrir les miens. Nos regards se croisèrent, et ils s’ancrèrent tout le temps que durèrent les palabres entre les adultes. »
Deuxième extrait :« Cela faisait un peu plus d’un an que je fréquentais Bao, lorsque ce dernier m’entraîna un matin dans le quartier réservé aux artistes.
— J’ai beaucoup réfléchi, et j’ai enfin trouvé ce qu’il te faut, me déclara-t-il, d’un air aussi réjoui que mystérieux.
Je n’en jetai pas moins un regard inquiet en arrière. Nous nous éloignions de plus en plus de notre destination habituelle.
— Tu ne te rends pas au dojo aujourd’hui ? lui demandai-je, sans cacher ma nervosité.
— Après, me rassura-t-il. J’ai d’abord une course à effectuer.
— Maître Hong n’appréciera pas. Ton père sera prévenu, et tu seras grondé.
— Ça n’a pas d’importance. La commande que j’ai passée vient d’arriver, et je tiens à la recevoir en ta présence. Tu ne regretteras pas le détour, mon beau papillon de soie.
Il avait l’habitude de me donner des surnoms qui prêtaient à sourire derrière mon dos. J’en éprouvais parfois de la gêne, mais je ne disais rien. Bao était un être complexe, élevé suivant des traditions millénaires de courtoisie savamment étudiée, ou chaque individu figurait dans un cadre bien déterminé. Sa façon d’exprimer l’affection qu’il me portait prouvait que j’étais unique à ses yeux, et cette évidence me comblait. »
Troisième extrait :« M’enlevant mon pinceau des mains, il le posa sur le chevalet. La lenteur de ses gestes et sa mine joyeuse m’avertissaient qu’il préparait quelque chose. Fouillant sous sa tunique, il me présenta soudain un petit paquet enveloppé dans un coupon de soie.
— Ma petite fleur, j’ai une surprise pour toi.
Retenant un soupir, je lui dédiais une expression embarrassée. Bien que ne dépassant jamais la limite des convenances, il m’offrait régulièrement des cadeaux. Habitué à ses excès, mes camarades avaient fini par se lasser de me brocarder, mais sa générosité me gênait. Je n’avais aucun moyen de lui retourner la pareille. Je m’en tirais en lui donnant mes peintures lorsque celles-ci me semblaient réussies. Mes présents me paraissaient néanmoins bien maigres par rapport à sa prodigalité.
De son côté, il adorait mes dessins et ne tarissait pas d’éloges sur mon talent. Venant de sa part, cet avis me flattait, mais me laissait dubitatif. Je me serais contenté de dessiner un soleil en faisant un simple cercle qu’il aurait trouvé cela magnifique. Il n’était cependant pas le seul à me faire remarquer que je peignais avec brio, et la pluralité de cette reconnaissance me consolait un peu. Toutefois, j’aurais aimé que nous instaurions un rapport plus égalitaire. Nous avions pourtant eu une conversation que je croyais constructive à ce sujet quelques jours plus tôt.
— Bao, tu n’es pas obligé, commençais-je.
— Si, me coupa-t-il la parole. Je te rappelle qu’aujourd’hui c’est ton anniversaire. »
Quatrième extrait :« Bao espérait que nous profiterions de cette journée en toute liberté. Envisageait-il de me convertir au plaisir de caresses plus poussées que celles que nous nous autorisions jusqu’alors ? À la façon dont il ne se gênait plus pour me couver d’un regard alourdi de passion, je le supposai, et je n’avais rien contre. Une surprise imprévue interféra toutefois dans son programme. À notre arrivée, une très belle femme vêtue de soieries rouges et or nous attendait sur le perron de la résidence. En l’apercevant, Bao se détacha instantanément de moi.
— Il semblerait que ma mère ait décidé de faire ta connaissance, m’avertit-il, en plaquant sur son visage une expression neutre. Reste naturel, et tout se passera bien.
Sa raideur m’avisait qu’il ignorait sa présence. Il n’eut pas le loisir de me briefer davantage. La voiture s’arrêtait déjà et un serviteur ouvrait la portière de son côté en s’inclinant. Adoptant une démarche hiératique, il descendit du véhicule. Pris de cours, je le suivis. Mal à l’aise, je calquais mon attitude sur la sienne, en y ajoutant néanmoins une bonne dose d’humilité qui me dictait de conserver les yeux tournés vers le sol. »
Cinquième extraits :« — Quand comptais-tu me le dire ? demandai-je, en me retranchant derrière une froideur mordante.
J’aurais dû exiger que nous nous isolions pour poursuivre, mais ma peine devenait trop pressante. S’approchant de moi, Bao effleura mon bras. Malgré la pudeur inhérente à notre culture, il avait toujours été très tactile. Généralement, j’aimais ses façons furtives de me rassurer ou d’affirmer notre union. Mais cette fois-ci, je réagis comme s’il me brûlait. Tressaillant, je reculai, tandis que d’un regard dur je lui intimais de cesser. Mon refus l’immobilisa et sa main retomba. Il me contemplait maintenant d’un air désespéré.
— Jonathan, je suis tellement désolé. Je ne voulais pas que tu l’apprennes ainsi.
Tournant les talons, monsieur Jiang nous abandonna discrètement. La porte qu’il referma derrière lui sonna pour moi comme le gong d’une dévastation annoncée. Je patientais un temps qui me parut suffisant pour lui accorder de s’éloigner dans le couloir, avant de laisser enfin couler la bile qui acidifiait mon cœur.
— Désolé ? C’est tout ce que tu trouves à dire ?
— j’ai bien conscience que tout ce que j'exprimerai n’adoucira pas ta peine, répondit Bao, la mine contrite. J’ai eu tort d’attendre autant. Mais je redoutais tant de te faire du mal.
— Parce que tu croyais vraiment que repousser l'échéance au dernier jour allait m’aider à accepter ta décision ? me braquai-je davantage contre lui.
— Je ne savais pas comment te l’apprendre, m’avoua-t-il, de plus en plus piteux.
L’homme fier et plein d’assurance que je côtoyais habituellement se délitait face à ma propre douleur. Je ne mettais pas en doute ses remords, mais ils ne contrebalançaient en rien sa trahison »
Sixième extrait :« Le cœur lourd et l’esprit embrouillé, je passai de longues heures assis sur la plage. Contrairement au sentier que j’avais suivi, elle demeurait peuplée. Mon repli évident retenait néanmoins les pêcheurs et les enfants de m’approcher. Installé à l’ombre de grands palmiers, je restais sur le sable jusqu’à ce que le soleil amorçât sa course dans la mer. Je n’avais ni mangé ni bu de la journée, mais je ressentais à peine les nœuds de mon estomac et ma gorge sèche.L’horizon se teintait d’un rouge flamboyant, quand la touche d’une main légère sur mon épaule me tira de ma solitude. Relevant les yeux, j’aperçus Timothy.
— Il est temps de regagner le navire, Jonathan. Monsieur Xi…, enfin…, je veux dire monsieur Jiang, nous a expliqué. Verrouillant de mon mieux mes émotions, je me relevai.
— Merci Timothy, je vous suis.
La curiosité devait le dévorer, mais il ne me posa pas une question alors que nous traversions la plage. J’appréciais de plus en plus la correction de cet Ecossais. Par certains côtés, il me rappelait Han. Approximativement du même âge, il possédait une discrétion identique et un sens des valeurs que je jugeais nettement plus conforme au mien que celui de John.
Appréhendant la suite de notre voyage, je m’installais dans la barque. Conservant le silence, Timothy s’assis en face de moi. Je lus de la compassion dans son regard. Gêné, je détournai le mien. La mer demeurait calme et le matelot s’approchait rapidement du Trésor Céleste. Je voyais grossir ses flancs sans oser relever la tête pour vérifier qui se trouvait sur le pont. J’avais la sensation d’être observé et je redoutais de devoir affronter la cohorte des fureteurs."
J’arrête ici, mais sachez que ces extraits ne vont pas au-delà de la moitié du livre.